Le développement cérébral est une étape-clé au cours de laquelle les cellules se divisent, se différencient et enfin atteignent leur cible par un processus de migration neuronale. Si cette séquence semble rigide, sous la dépendance de programmes génétiques déterministes, elle est aussi influencée par une myriade de facteurs environnementaux. Comme le propose le concept de "neuro-archéologie" défendu par le Pr. Yehezkel Ben-Ari (Institut de Neurobiologie de La Méditerranée, Inserm - Marseille, France), une altération de cette séquence par le biais de mutations ou de stress environnementaux peut conduire à la formation de réseaux aberrants portant une "signature pré-symptomatique" des troubles neurologiques apparaissant ultérieurement, durant la vie de l'individu.
Stress prénatal et troubles
neuropsychiatriques
Comme le montre un nombre croissant d'études en
neurosciences, réalisées entre autre chez les rongeurs, le stress prénatal est
capable de causer des troubles de la neurotransmission et de la morphologie
cérébrale pouvant contribuer à des déficits cognitifs et émotionnels. Le stress
prénatal a ainsi été suggéré comme un facteur contribuant à l'émergence de
troubles neuropsychiatriques tels que la dépression ou la schizophrénie. Les
mécanismes moléculaires par le biais desquels le stress prénatal affecte les
fonctions neuronales à long terme concerne la maturation et la fonction de
facteurs trophiques ou encore les modifications épigénétiques de l'expression
de gènes codant des hormones de stress. En revanche, peu de travaux sont venus
questionner les mécanismes électrophysiologiques qui sous-tendent les
modifications durables de l'activité des réseaux neuronaux. De plus, il est
bien souvent difficile de discerner - après la naissance - quels sont les
effets directs qui résultent du stress in utero de ceux qui découlent d'une
altération de l'interaction avec les congénères et la mère.
Le stress prénatal comme modulateur de
l'activité des réseaux hippocampiques
Une étude récente, menée au sein du laboratoire du
Pr Menahem Segal du département de neurobiologie de l'Institut Weizmann
(Rehovot, Israël) vient d'être publiée dans le journal Biological Psychiatry.
Les auteurs y présentent une approche directe visant à examiner les propriétés
des neurones hippocampiques (impliqués dans la mémoire), en culture, provenant
de rats contrôles ou soumis à un stress prénatal. Les résultats montrent que
les neurones provenant de rats dont la mère a été soumise à un stress diffèrent
de ceux provenant de rats contrôles, notamment sur le plan de leur morphologie,
avec une augmentation de la complexité des dendrites mais aussi une
augmentation de la fréquence et de la synchronie des activités de réseaux 14
jours après leur mise en culture. Ce constat pourrait être dû à plus de
connections excitatrices ou à un tonus inhibiteur réduit. Les résultats
présentés plaident en faveur de la seconde proposition, compte tenu de la plus
faible densité des neurones GABAergiques (secrétant le GABA, un
neurotransmetteur inhibiteur) ainsi que la réduction de la fréquence des
courants postsynaptiques inhibiteurs dans la condition "stress
prénatal".
De manière intéressante, l'augmentation de
l'arborisation dendritique pourrait être une conséquence de la plus faible
inhibition synaptique, une plus grande activité excitatrice et donc un maintien
de connexions jugées pertinentes...à tort ? Les tests comportementaux montrent
de manière surprenante que le stress prénatal conduit à une hyperlocomotion et
un apprentissage plus rapide dans une tâche de mémoire spatiale. Ce dernier
résultat semble en contraste avec d'autres études montrant le caractère
anxiogène et négatif du stress sur l'apprentissage spatial et le
conditionnement à la peur. Cette différence reposerait sur le degré du stress
appliqué dans les expériences, un stress modéré ayant été privilégié dans cette
étude. Ce dernier point suggère que selon l'intensité du stress, il serait
possible d'orienter l'évolution des propriétés réseaux dans des sens opposés.
Une notion cruciale pour le neurobiologiste qui songerait à développer des
stratégies thérapeutiques non pas générales - sujettes à une pléiade d'effets
secondaires - mais adaptées à l'intensité du trouble observé.
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