Une équipe de San Diego a mis au point
des particules nanométriques qui, injectées dans la circulation sanguine,
neutraliseraient une vaste famille de toxines.
Pour contrer des toxines qui attaquent l’organisme,
les stratégies usuelles à partir de sérums, d’anticorps monoclonaux,
d’inhibiteurs moléculaires, etc., prennent en compte la structure moléculaire
des toxines en question. De ce fait, elles doivent s’adapter à chaque toxine et
à ses spécificités. L’équipe de Liangfang Zhang, de l’Université de Californie
à San Diego, développe une stratégie plus universelle, à base de billes
microscopiques capables d’absorber de nombreuses toxines différentes.
Beaucoup de toxines fabriquées par des bactéries ou
contenues dans les venins agissent en se fixant à la surface des cellules de
l’organisme attaqué et en formant des trous dans leurs membranes, au point
d’entraîner leur mort. L’idée de L. Zhang et ses collègues a été de concevoir
des leurres pour ce type de toxines : ces dernières se fixeraient à la surface
de minuscules billes, qui les absorberaient et ainsi les neutraliseraient. Les
leurres que ces ingénieurs ont mis au point mesurent environ 85 nanomètres de
diamètre et sont constitués d’un cœur en polymère (la partie absorbante du
leurre) recouvert d’une membrane extraite de globules rouges. C’est ce
revêtement qui leurre les molécules visées, puisque les toxines formant des
pores se fixent notamment à la surface des globules rouges de la circulation
sanguine.
Après avoir réussi à fabriquer ces nanoéponges,
l’équipe californienne les a testées en présence d’une toxine in vitro et in
vivo. En particulier, elle a procédé à des expériences sur des souris
auxquelles est inoculée une dose mortelle de la toxine alpha, la principale
produite par les staphylocoques dorés (de dangereuses bactéries). Chez les
souris recevant une inoculation préalable de nanoéponges, la mortalité tombe à
11 pour cent. Lorsque l’inoculation est postérieure à l’injection de la toxine,
la mortalité est de 56 pour cent.
Les analyses ont montré par ailleurs que les
nanoéponges chargées de toxines se sont accumulées dans le foie des animaux,
sans y provoquer de dommages. Les toxines y auraient donc été métabolisées sans
engendrer d’effets ou substances nocifs.
Cette stratégie de détoxification semble
prometteuse, par exemple pour atténuer la virulence de certaines maladies
microbiennes ou pour traiter des envenimations dues à des morsures de serpent,
des piqûres de guêpes, etc. Jean-Christophe Leroux, professeur de technologie
pharmaceutique à ETH-Zurich, en Suisse, juge ces travaux intéressants et assez
innovants, avec une réserve toutefois : « Le système semble fonctionner avec la
toxine alpha et les érythrocytes [globules rouges] de souris ; les résultats
sont en revanche beaucoup moins probants avec les érythrocytes humains, d'où
l'importance de reproduire les résultats dans un contexte plus proche d'une
application clinique. » Avant de procéder à de premiers essais cliniques, il
faudra aussi rendre la méthode plus efficace, notamment en améliorant
l’affinité entre la membrane recouvrant les nanoéponges et les toxines.
Source: Pour la science .
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