Pourquoi sommes-nous fatigués après une
séance de sport ? Autrement dit, pourquoi avons-nous plus de mal à faire
fonctionner nos muscles après un effort physique ? En collaboration avec des
chercheurs de l’Université d’Oxford, Florence Cotel et Jean-François Perrier,
de l’Université de Copenhague, ont précisé l’un des multiples mécanismes en
cause. Il met en jeu les motoneurones, des neurones qui déclenchent la
contraction des muscles : ils émettraient moins d'impulsions électriques après
un effort physique en raison d’un excès de sérotonine, un neurotransmetteur
massivement libéré lors de l'effort.
Après un effort intense, le corps est fatigué : les
muscles manquent de glycogène (l’une de leurs principales ressources
énergétiques), leurs jonctions avec les nerfs fonctionnent moins bien, et les
circuits neuronaux responsables de leurs contractions deviennent moins
efficaces. La composante purement neuronale de la fatigue, identifiée depuis
près de 80 ans mais dont les mécanismes moléculaires sont mal connus, est
qualifiée de fatigue centrale. C’est cette composante qui peut pousser un
coureur à s’effondrer sur la piste alors que ses muscles sont encore en état de
se contracter. La fatigue centrale implique que pour effectuer un même
mouvement, la commande motrice doit être plus intense que lorsque le corps est
reposé. Selon J.-F. Perrier, c’est en partie de là que viendrait l’impression
de fatigue – même si on attribue habituellement ce ressenti à la libération de
messagers chimiques nommés cytokines par les globules blancs lors d’un effort.
Les motoneurones étaient soupçonnés d’être des
acteurs clefs de la fatigue centrale. Leurs corps cellulaires sont situés dans
le tronc cérébral et dans la colonne vertébrale, tandis que leurs axones
innervent les muscles. Les neuroscientifiques ont analysé comment un effort
physique intense influe sur leur fonctionnement.
Ils ont prélevé des tranches de 0,3 millimètre
d'épaisseur dans la moelle épinière d’une tortue – plus adaptée à ce type
d’expérience que celle d’un mammifère, notamment parce qu'elle supporte mieux
le manque d’oxygène dû à l’interruption du flux sanguin. Les motoneurones
contenus dans la moelle ont été stimulés par des impulsions électriques, mimant
ainsi l’effet d’une activité physique. En parallèle, les neurobiologistes
mesuraient la concentration de sérotonine et la fréquence de décharge des
motoneurones (la fréquence à laquelle ils émettent une impulsion électrique).
Résultat : la concentration de sérotonine augmente avec le temps et, au bout
d’un moment, la fréquence de décharge des motoneurones diminue.
Les neurobiologistes ont alors étudié plus en détail
l’action de la sérotonine. Ils ont montré que lorsqu’il est trop abondant, ce
neurotransmetteur déborde de la synapse et va se fixer sur des récepteurs
présents sur le segment initial de l’axone, qui part du corps cellulaire du
motoneurone. D’ordinaire, l’influx nerveux y est déclenché par l’ouverture de
canaux où pénètrent des ions sodium, mais la sérotonine inhibe l’ouverture de
ces canaux et, partant, l’émission d’impulsions électriques.
Ainsi, un effort physique intense déclenche une
accumulation de sérotonine et entraîne une baisse d’efficacité dans
l’activation des motoneurones par le cerveau. Ceux-ci émettent alors moins
d’impulsions électriques et stimulent donc moins les muscles. Ces résultats
pourraient aussi expliquer pourquoi les antidépresseurs, qui agissent sur la
concentration en sérotonine, entraînent souvent une sensation de fatigue.
Source : Pour la science.
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