samedi 16 mars 2013

Quand le sport fatigue les neurones.



Pourquoi sommes-nous fatigués après une séance de sport ? Autrement dit, pourquoi avons-nous plus de mal à faire fonctionner nos muscles après un effort physique ? En collaboration avec des chercheurs de l’Université d’Oxford, Florence Cotel et Jean-François Perrier, de l’Université de Copenhague, ont précisé l’un des multiples mécanismes en cause. Il met en jeu les motoneurones, des neurones qui déclenchent la contraction des muscles : ils émettraient moins d'impulsions électriques après un effort physique en raison d’un excès de sérotonine, un neurotransmetteur massivement libéré lors de l'effort.



Après un effort intense, le corps est fatigué : les muscles manquent de glycogène (l’une de leurs principales ressources énergétiques), leurs jonctions avec les nerfs fonctionnent moins bien, et les circuits neuronaux responsables de leurs contractions deviennent moins efficaces. La composante purement neuronale de la fatigue, identifiée depuis près de 80 ans mais dont les mécanismes moléculaires sont mal connus, est qualifiée de fatigue centrale. C’est cette composante qui peut pousser un coureur à s’effondrer sur la piste alors que ses muscles sont encore en état de se contracter. La fatigue centrale implique que pour effectuer un même mouvement, la commande motrice doit être plus intense que lorsque le corps est reposé. Selon J.-F. Perrier, c’est en partie de là que viendrait l’impression de fatigue – même si on attribue habituellement ce ressenti à la libération de messagers chimiques nommés cytokines par les globules blancs lors d’un effort.

Les motoneurones étaient soupçonnés d’être des acteurs clefs de la fatigue centrale. Leurs corps cellulaires sont situés dans le tronc cérébral et dans la colonne vertébrale, tandis que leurs axones innervent les muscles. Les neuroscientifiques ont analysé comment un effort physique intense influe sur leur fonctionnement.

Ils ont prélevé des tranches de 0,3 millimètre d'épaisseur dans la moelle épinière d’une tortue – plus adaptée à ce type d’expérience que celle d’un mammifère, notamment parce qu'elle supporte mieux le manque d’oxygène dû à l’interruption du flux sanguin. Les motoneurones contenus dans la moelle ont été stimulés par des impulsions électriques, mimant ainsi l’effet d’une activité physique. En parallèle, les neurobiologistes mesuraient la concentration de sérotonine et la fréquence de décharge des motoneurones (la fréquence à laquelle ils émettent une impulsion électrique). Résultat : la concentration de sérotonine augmente avec le temps et, au bout d’un moment, la fréquence de décharge des motoneurones diminue.

Les neurobiologistes ont alors étudié plus en détail l’action de la sérotonine. Ils ont montré que lorsqu’il est trop abondant, ce neurotransmetteur déborde de la synapse et va se fixer sur des récepteurs présents sur le segment initial de l’axone, qui part du corps cellulaire du motoneurone. D’ordinaire, l’influx nerveux y est déclenché par l’ouverture de canaux où pénètrent des ions sodium, mais la sérotonine inhibe l’ouverture de ces canaux et, partant, l’émission d’impulsions électriques.

Ainsi, un effort physique intense déclenche une accumulation de sérotonine et entraîne une baisse d’efficacité dans l’activation des motoneurones par le cerveau. Ceux-ci émettent alors moins d’impulsions électriques et stimulent donc moins les muscles. Ces résultats pourraient aussi expliquer pourquoi les antidépresseurs, qui agissent sur la concentration en sérotonine, entraînent souvent une sensation de fatigue.

Source : Pour la science.

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