A quelques jours du Téléthon, entretien
avec le Pr Jérôme Bertherat chef du Service des Maladies Endocriniennes et
Métaboliques de l’hôpital Cochin (AP-HP). Dans de récents travaux parus dans le
New English Journal of Medicine (NEJM) le 28 novembre dernier, son équipe
démontre l’origine génétique d’une maladie rare, le syndrome de Cushing par
hyperplasie macronodulaire des surrénales.
Ces travaux constituent une bonne illustration de l’utilité de la
génétique pour mieux comprendre une maladie rare mais aussi la physiopathologie
d’autres maladies.
Qu’est-ce-que le syndrome de Cushing par
hyperplasie macronodulaire des surrénales ?
Il s’agit une maladie endocrinienne rare qui touche
les glandes surrénales et qui est responsable du syndrome de Cushing. Elle
entraîne la survenue de nodules, de tumeurs bénignes dans les deux glandes
surrénales.
Situées au-dessus de chaque rein, les glandes
surrénales ont pour rôle de réguler notre taux de sucre et de sodium et
accélèrent nos battements cardiaques. Dans le syndrome de Cushing, elles
secrètent en excès une hormone naturelle : le cortisol. Cet excès chronique de
cortisol entraîne la survenue de manifestations telles que le diabète,
l’hypertension artérielle, l’ostéoporose voire des troubles psychiatriques. Le
diagnostic de cette maladie est souvent réalisé tardivement, en général entre
40 et 60 ans.
Qu’ont montré vos travaux ?
A l’hôpital et l’Institut Cochin, nous avons mis en
évidence le caractère génétique de cette maladie et identifié un gène
responsable, baptisé ARMC 5 (Armadillo Repeat Containing 5), qui n’avait
d’ailleurs jamais été identifié auparavant dans d’autres situations tumorales.
Au-delà de leur intérêt physiopathologique, ces travaux nous permettront
d’identifier les personnes à risque au sein d’une même famille et de proposer
un diagnostic plus précoce qu’à l’heure actuelle. A plus long terme, comprendre
les mécanismes d’action d’ARMC5 permettra de développer de nouveaux médicaments
pour bloquer précocement le développement de la maladie.
Sur le plan technique, vous avez utilisé dans vos
travaux les derniers outils de génomique.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le
sujet ?
La génomique regroupe toutes les techniques, qui
utilisent maintenant les puces à ADN et nous permettent d’étudier en une
manipulation l’ensemble du génome. Dans nos travaux, nous avons par exemple
étudié dans un 1er temps les remaniements chromosomiques dans les tumeurs en
ayant recours aux puces à ADN, étudiant de petites variations de l’ADN dites
SNP. Nous avons ensuite réalisé un séquençage complet du génome, et comparé
l’ADN des tumeurs à celui des globules blancs des patients, pour rechercher des
mutations spécifiques dans ces tumeurs. Le dernier outil génomique utilisé
était le transcriptome, avec lequel nous avons étudié dans ces tumeurs
l’expression des gènes sur l’ensemble du génome.
Qu’apporte le travail en réseau dans la
compréhension de ce type de maladie rare ?
C’est la clé afin de réaliser des progrès dans la
compréhension physiopathologique de ces tumeurs. Le travail en réseau nous permet de
progresser de façon significative sur des maladies rares où les connaissances
sont assez limitées, mettant en commun le matériel, les techniques et les idées
et utilisant en parallèle les outils de la biologie cellulaire et les outils
récents et en plein développement de la génomique.
Nous travaillons en très étroite collaboration dans
le cadre du Réseau Français COMETE (Cortico MEdullo-surrénale Tumeur
Endocrines), qui réunit depuis 20 ans de nombreux services hospitaliers
universitaires français et plusieurs laboratoires de recherche pour le recueil
et l’étude des tumeurs de la surrénale. De rares syndromes de formes familiales
de tumeurs surrénaliennes ont permis depuis 15 ans de grands progrès dans la
compréhension physiopathologique de ces tumeurs.
Nous avons d’ailleurs participé à une étude menée
par l’équipe du Pr Lefebvre (CHU Rouen) qui a également fait l’objet d’une
publication dans le même numéro du NEJM**. Le travail porte sur la
physiopathologie de la sécrétion de cortisol dans le syndrome de Cushing lié à
l’hyperplasie macronodulaire. Au-delà des perspectives diagnostiques et
thérapeutiques de la maladie étudiée dans ces deux publications, ces
connaissances pourraient aider à développer des médicaments pour moduler la
sécrétion du cortisol dont les actions sont multiples dans d’autres pathologies.
Source : le webzine
AP-HP.
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