mercredi 15 juillet 2015

Découverte d’un nouveau mécanisme de la division cellulaire



MONTRÉAL et LONDRES, le 13 juillet 2015 – Des chercheurs ont découvert, pour la première fois, que les chromosomes jouent un rôle actif dans la division cellulaire animale à une étape précise, la cytocinèse, où la cellule se scinde pour former deux nouvelles cellules filles.

C’est ce qu’a observé l’équipe de chercheurs incluant Gilles Hickson, professeur agrégé sous octroi au Département de pathologie et biologie cellulaire de l’Université de Montréal et chercheur au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine, son assistante Silvana Jananji, et collaborant  avec Nelio Rodrigues, doctorant, et Sergey Lekomtsev, chercheur postdoctoral, dont les travaux sont dirigés par Buzz Baum, du Laboratoire de biologie cellulaire moléculaire MRC de l’University College of London, au Royaume-Uni.
Le fruit de leurs recherches a été publié  dans la prestigieuse revue Nature.



La division cellulaire est la fondation de toute forme de vie : le corps humain a pour origine une seule cellule qui se divise des milliards de fois pour générer tous les différents tissus, et certaines de ces cellules continuent de se diviser des milliards de fois chaque jour tout au long de la vie. Or, notre compréhension de l’ensemble des mécanismes moléculaires en jeu est incomplète et on ignorait jusqu’ici que les chromosomes pouvaient y jouer un rôle à cette étape de la cytocinèse.

Une division sans erreur
Chez la cellule animale, la division implique une séparation des chromosomes, la mitose, qui aboutit à la formation de deux nouvelles cellules filles par cytocinèse . « La division est un processus complexe et robuste qui s’effectue généralement sans faille, mais lorsqu’une erreur se produit dans la séparation de l’ADN ou dans la cytocinèse , elle peut, par exemple, être à la source du déclenchement d’un cancer », illustre Gilles Hickson.
Pour l’instant, il est bien connu que des structures semblables à des câbles microscopiques, que l’on nomme microtubules, permettent de tirer les chromosomes vers deux pôles de la cellule pendant le processus de division.
« À ce moment, des microtubules séparent physiquement les chromosomes à travers leur centre kinétochore et, en même temps, d’autres microtubules signalent au cortex de la cellule où se trouve son équateur, c’est-à-dire le lieu où s’opérera la division », explique le chercheur. Et, jusqu’à ce jour, on croyait que les chromosomes jouaient seulement un rôle passif, qu’ils se laissaient tirer par les microtubules et qu’ils n’affectaient pas la cytocinèse.
Ce qui n’est pas le cas!

Rôle actif des chromosomes
À partir de cellules de drosophiles – les fameuses petites mouches à fruits! – l’équipe de chercheurs a découvert en laboratoire, à l’aide d’outils génétiques puissants et de la microscopie sophistiquée, que les chromosomes émettent des signaux qui influencent le cortex de la cellule et qui renforcent l’action des microtubules.
L’un des signaux clés que les chercheurs ont identifié agit à travers un complexe enzymatique, une phosphatase nommée Sds22-PP1, qui se localise aux kinétochores. Ils ont aussi démontré que cette voie de signalisation agit dans des cellules humaines. « Une telle conservation évolutionnaire, des mouches aux êtres humains, est attendue pour un processus aussi fondamental que la division cellulaire», précise-t-il. Justement, c’est ce qui fait que les drosophiles sont un modèle très puissant pour faciliter notre compréhension de la biologie humaine.
« Lorsque les chromosomes sont ségrégués, ils se rapprochent de la membrane aux pôles de la cellule et, grâce à l’action de cette enzyme, ceci contribue à ramollir la membrane polaire, facilitant l’allongement de la cellule et la division qui se produit par la suite à l’équateur », poursuit M. Hickson.

Une nouvelle voie de recherche
La découverte de ce mécanisme constitue une avancée importante dans l’avancement des connaissances du processus de division cellulaire.
« Ça fait plus de 100 ans qu’on observe la division cellulaire, mais on cherche toujours à comprendre les mécanismes moléculaires impliqués. C’est important parce que la division cellulaire est à la base de la vie, et aussi de certaines maladies », rappelle celui qui y a consacré les 15 dernières années de sa vie de recherche en biologie cellulaire.
De fait, tous les cancers sont caractérisés par une division cellulaire incontrôlée et les processus sous-jacents constituent des cibles potentielles pour intervenir de façon thérapeutique afin d’en prévenir l’apparition et la propagation.
« Mais avant d’en arriver là, il faut continuer d’élargir nos connaissances quant aux processus fondamentaux et aux signaux dont la cellule tient compte pour se diviser normalement afin de comprendre comment ils peuvent dériver ou être exploités. D’ailleurs, les différentes cellules du corps et même d’un tissu ne se divisent toujours pas tout à fait de la même manière, conclut Gilles Hickson. Par exemple, les cellules souches se divisent de façon asymétrique, tandis que la plupart des cellules se divisent de façon symétrique et nous comprenons encore mal ces différences sur le plan moléculaire : à l’aide de modèles génétiques robustes et bien caractérisés, tel le drosophile, nous y parviendront.  Ultimement, ceci pourrait faciliter éventuellement le développement rationnel de thérapies plus spécifiques pour inhiber la division des cellules cancéreuses, idéalement sans affecter les cellules saines qui se divisent en même temps. »

Source: Université de Montréal.

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