MONTRÉAL et LONDRES, le 13 juillet 2015 – Des chercheurs ont
découvert, pour la première fois, que les chromosomes jouent un rôle actif dans
la division cellulaire animale à une étape précise, la cytocinèse, où la
cellule se scinde pour former deux nouvelles cellules filles.
C’est ce qu’a observé l’équipe de chercheurs incluant Gilles
Hickson, professeur agrégé sous octroi au Département de pathologie et biologie
cellulaire de l’Université de Montréal et chercheur au Centre de recherche du
CHU Sainte-Justine, son assistante Silvana Jananji, et collaborant avec
Nelio Rodrigues, doctorant, et Sergey Lekomtsev, chercheur postdoctoral, dont
les travaux sont dirigés par Buzz Baum, du Laboratoire de biologie cellulaire
moléculaire MRC de l’University College of London, au Royaume-Uni.
Le fruit de leurs recherches a été publié dans la prestigieuse revue Nature.
La division cellulaire est la fondation de toute forme de
vie : le corps humain a pour origine une seule cellule qui se divise des
milliards de fois pour générer tous les différents tissus, et certaines de ces
cellules continuent de se diviser des milliards de fois chaque jour tout au
long de la vie. Or, notre compréhension de l’ensemble des mécanismes
moléculaires en jeu est incomplète et on ignorait jusqu’ici que les chromosomes
pouvaient y jouer un rôle à cette étape de la cytocinèse.
Une division sans erreur
Chez la cellule animale, la division implique une séparation
des chromosomes, la mitose, qui aboutit à la formation de deux nouvelles
cellules filles par cytocinèse . « La division est un processus complexe et
robuste qui s’effectue généralement sans faille, mais lorsqu’une erreur se
produit dans la séparation de l’ADN ou dans la cytocinèse , elle peut, par
exemple, être à la source du déclenchement d’un cancer », illustre Gilles
Hickson.
Pour l’instant, il est bien connu que des structures
semblables à des câbles microscopiques, que l’on nomme microtubules, permettent
de tirer les chromosomes vers deux pôles de la cellule pendant le processus de
division.
« À ce moment, des microtubules séparent physiquement les
chromosomes à travers leur centre kinétochore et, en même temps, d’autres
microtubules signalent au cortex de la cellule où se trouve son équateur,
c’est-à-dire le lieu où s’opérera la division », explique le chercheur. Et,
jusqu’à ce jour, on croyait que les chromosomes jouaient seulement un rôle
passif, qu’ils se laissaient tirer par les microtubules et qu’ils n’affectaient
pas la cytocinèse.
Ce qui n’est pas le cas!
Rôle actif des chromosomes
À partir de cellules de drosophiles – les fameuses petites
mouches à fruits! – l’équipe de chercheurs a découvert en laboratoire, à l’aide
d’outils génétiques puissants et de la microscopie sophistiquée, que les
chromosomes émettent des signaux qui influencent le cortex de la cellule et qui
renforcent l’action des microtubules.
L’un des signaux clés que les chercheurs ont identifié agit
à travers un complexe enzymatique, une phosphatase nommée Sds22-PP1, qui se
localise aux kinétochores. Ils ont aussi démontré que cette voie de
signalisation agit dans des cellules humaines. « Une telle conservation
évolutionnaire, des mouches aux êtres humains, est attendue pour un processus
aussi fondamental que la division cellulaire», précise-t-il. Justement, c’est
ce qui fait que les drosophiles sont un modèle très puissant pour faciliter
notre compréhension de la biologie humaine.
« Lorsque les chromosomes sont ségrégués, ils se rapprochent
de la membrane aux pôles de la cellule et, grâce à l’action de cette enzyme,
ceci contribue à ramollir la membrane polaire, facilitant l’allongement de la
cellule et la division qui se produit par la suite à l’équateur », poursuit M.
Hickson.
Une nouvelle voie de recherche
La découverte de ce mécanisme constitue une avancée
importante dans l’avancement des connaissances du processus de division
cellulaire.
« Ça fait plus de 100 ans qu’on observe la division
cellulaire, mais on cherche toujours à comprendre les mécanismes moléculaires
impliqués. C’est important parce que la division cellulaire est à la base de la
vie, et aussi de certaines maladies », rappelle celui qui y a consacré les 15
dernières années de sa vie de recherche en biologie cellulaire.
De fait, tous les cancers sont caractérisés par une division
cellulaire incontrôlée et les processus sous-jacents constituent des cibles
potentielles pour intervenir de façon thérapeutique afin d’en prévenir
l’apparition et la propagation.
« Mais avant d’en arriver là, il faut continuer d’élargir
nos connaissances quant aux processus fondamentaux et aux signaux dont la
cellule tient compte pour se diviser normalement afin de comprendre comment ils
peuvent dériver ou être exploités. D’ailleurs, les différentes cellules du
corps et même d’un tissu ne se divisent toujours pas tout à fait de la même
manière, conclut Gilles Hickson. Par exemple, les cellules souches se divisent
de façon asymétrique, tandis que la plupart des cellules se divisent de façon
symétrique et nous comprenons encore mal ces différences sur le plan
moléculaire : à l’aide de modèles génétiques robustes et bien caractérisés, tel
le drosophile, nous y parviendront. Ultimement, ceci pourrait faciliter
éventuellement le développement rationnel de thérapies plus spécifiques pour
inhiber la division des cellules cancéreuses, idéalement sans affecter les
cellules saines qui se divisent en même temps. »
Source: Université de Montréal.
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