Deux équipes françaises ont testé avec
succès chez la souris un nouveau type de traitement contre la rectolite
hémorragique et la maladie de Crohn.
Des bactéries génétiquement modifiées
pour traiter les pathologies inflammatoires de l'intestin. Cette piste
thérapeutique est explorée depuis plusieurs années et elle pourrait bientôt
être appliquée avec succès. Deux équipes de chercheurs français ont en effet
réussi à soigner des souris en leur faisant ingérer des bactéries rendues
anti-inflammatoires après modification génétique.
Ils ont eu recours à des micro-organismes employés
couramment dans la fabrication de produits laitiers dont ils ont modifié l'ADN
en introduisant le gène d'une protéine humaine (l'élafine) connue pour son
activité anti-inflammatoire sur la peau, la muqueuse des poumons et des
intestins. L'étude est publiée cette semaine dans la revue Science
Translational Medicine .
Des essais chez l'homme devraient être bientôt
conduits. S'ils sont concluants, ce sera une vraie avancée car les traitements
actuels ont une efficacité limitée et des effets secondaires. Ceux à base
d'anticorps sont par ailleurs très coûteux: 16.000 euros par an et par malade.
En France, près de 200.000 personnes souffrent de maladies inflammatoires
chroniques de l'intestin, dont l'incidence ne cesse d'augmenter avec 8000
nouveaux cas diagnostiqués chaque année.
Cette nouvelle voie thérapeutique est liée au
séquençage des gènes de la flore intestinale lancé en 2008 dans le cadre du
projet européen MetaHIT coordonné par l'Inra. On s'est rendu compte à cette
occasion que l'intestin constitue un véritable écosystème: 1000 espèces
bactériennes différentes, 19.000 fonctions métaboliques, près de 100 milliards
de bactéries dans un gramme d'excréments, etc. On a observé que dans plusieurs
pathologies comme la rectocolite hémorragique et la maladie de Crohn ou même le
diabète de type 2, des bactéries présentes chez les personnes saines sont
déficientes chez les patients. Du coup, l'idée d'apporter la fonction
déficitaire par des bactéries modifiées est expérimentée dans plusieurs
laboratoires.
Mais les choses ne sont pas si simples. D'abord, il
faut trouver la bonne protéine humaine anti-inflammatoire. Des essais faits sur
l'homme avec des bactéries génétiquement modifiées exprimant de l'interleukine
10 (IL-10) se sont montrés peu concluants dans le traitement de la maladie.
«Cette protéine est sans doute un mauvais choix. Les investisseurs ont été un
peu refroidis», admet Philippe Langella (Inra, Jouy-en-Josas), spécialiste de
l'utilisation de bactéries intestinales et de probiotiques pour la santé
humaine. «L'IL-10 agit en profondeur mais pas à la surface c'est pourquoi il
est difficile qu'elle puisse atteindre les tissus», ajoute Nathalie Vergnolle
(Inserm Toulouse) spécialisée dans l'étude des maladies intestinales
chroniques.
Brevet déposé
Les deux équipes françaises ont donc pris une autre
voie. Les chercheurs se sont tournés vers l'élafine, une protéine
anti-inflammatoire ayant aussi une activité antimicrobienne. Présente
naturellement dans l'intestin humain, elle est peu abondante chez les personnes
souffrant d'inflammations. L'équipe Inra a introduit et exprimé le gène de
l'élafine dans deux souches bactériennes alimentaires. De parfaits vecteurs
thérapeutiques utilisés aussi dans la fabrication du camembert et du cheddar.
Testées sur des souris atteintes de différentes pathologies inflammatoires et
sur des cultures de cellules in vitro, les bactéries se montrent à chaque fois
efficaces.
Un brevet a été déposé et la licence d'exploitation
a déjà été rachetée. Une société de biotechnologie de Boston est sur les rangs
pour faire les premiers essais sur l'homme. Il s'agit non seulement de mesurer
l'efficacité du traitement mais aussi d'évaluer les éventuels effets
secondaires. «Il ne devrait y avoir aucun impact sur les autres bactéries
intestinales et nous allons le vérifier très prochainement», explique Philippe
Langella. Les bactéries ont une courte durée de vie et les prises de gélule
sont prescrites ponctuellement lors des crises inflammatoires. Il n'est pas
question, en effet, d'un traitement à vie. «Les bactéries pourraient être
conditionnées dans des gélules ou dans des yaourts comme cela se passe pour les
probiotiques», précise Nathalie Vergnolle.
La dissémination dans l'environnement et les risques
de contamination d'autres bactéries par le gène de l'élafine sont exclus, étant
donné que la bactérie modifiée meurt très rapidement au cours de son transit
dans l'intestin.
Source: Le figaro Santé.
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