Les personnes qui ont reçu une radiothérapie
abdominale ou du corps entier pendant l'enfance pour lutter contre un cancer
ont plus de risque de développer un diabète plus tard dans leur vie en raison
des lésions provoquées par les rayons au niveau du pancréas. C'est ce
qu'indique une nouvelle étude publiée dans l'édition en ligne du Lancet
Oncology qui met en évidence, pour la première fois, un effet dose-réponse en
fonction du niveau d'irradiation délivré.
Le pancréas, un organe à risque :
« Le pancréas doit être considéré comme un organe
critique lors de la planification de radiothérapie, en particulier chez les
enfants. Jusqu'à présent, le pancréas est l'un des rares organes à ne pas être
considéré à risque de complication des tissus normaux dans les directives
nationales pour la radiothérapie du cancer. Nos résultats indiquent que le
pancréas est un organe à risque pendant la radiothérapie. Ses contours doivent
être bien délimités par le technicien de radiothérapie lors de la planification
du traitement, afin de limiter au maximum son irradiation », commente l'auteur
principal de l'étude, le Dr Florent de Vathaire (Centre de recherche en
Epidémiologie et Santé des Populations, INSERM, Institut Gustave Roussy,
France) dans un communiqué Inserm.
Les chercheurs suggèrent que le suivi à long terme
des enfants qui ont guéri d'un cancer et qui ont reçu une radiothérapie intra
abdominale ou corps entier devrait inclure un dépistage du diabète.
« Les implications cliniques de cette étude sont
importantes parce que les rayons restent une partie intégrale de la thérapie
pour beaucoup d'enfants atteints de tumeurs de Wilms (néphroblastomes) ou de
neuroblastomes… [et] le diabète est un facteur de risque majeur de mortalité
toute cause et de mortalité cardiovasculaire », soulignent les Drs Kevin
Oeffinger et Charles Sklar (Memorial-Sloan-Kettering Cancer Center, New York)
dans un éditorial accompagnant l'article.
Les Drs Oeffinger et Sklar sont tous les deux
impliqués dans un programme de suivi à long terme des adultes de tout âge qui
ont eu un cancer à l'adolescence ou dans l'enfance. En outre, ils sont les
co-auteurs d'un rapport antérieur sur les radiations et le diabète (Arch Intern
Med 2009;169;1381-1388). Leur étude « Childhood Cancer Survivor Study » a
comparé 8599 jeunes adultes vivants aux Etats-Unis qui avaient survécu à un
cancer pendant l'enfance. Elle a montré que les patients qui avaient reçu des
radiations pour un neuroblastome avaient 7 fois plus de risque de développer un
diabète que les enfants du même âge qui n'en avaient pas reçu. Les patients qui
avaient reçu des radiations abdominales pour le traitement de tumeurs de Wilms
ou un lymphome de Hodgkin avaient deux fois plus de risque de développer un
diabète que les enfants du même âge qui n'en avaient pas reçu.
La nouvelle étude du Dr de Vathaire et coll a est
une analyse d'une cohorte franco-anglaise de 2520 personnes traitées pour un
cancer dans l'enfance avant 1986, guéris pendant au moins 20 ans, et ayant
renvoyé un questionnaire détaillé sur leur condition de santé.
Ces nouveaux résultats « élargissent substantiellement notre
compréhension des effets tardifs du traitement du cancer en montrant qu'il
existe une relation dose-réponse entre l'irradiation du pancréas et le risque
de diabète », expliquent les éditorialistes.
Une relation dose-réponse :
Le suivi moyen de l'étude est de 27 ans. A partir
des réponses obtenues chez 2520 survivants, les chercheurs ont identifié et
validé 65 cas de diabète traités, pour la plupart, par des médicaments
(comprimés oraux : 54%, insuline : 18% ou les deux : 17%).
Le diabète est rarement diagnostiqué avant l'âge de
20 ans, mais, par la suite, l'incidence augmente fortement. A l'âge de 45 ans,
l'incidence du diabète est plus élevée chez les sujets qui ont été traités par
radiothérapie : 6,6% contre 2,3% (p=0,0003).
Constat important : le risque de diabète augmente
fortement avec la dose d'irradiation administrée au niveau de la queue du
pancréas où les îlots de Langerhans sont principalement situés. L'irradiation
des autres parties du pancréas ne semble pas jouer de rôle significatif.
Le risque relatif de diabète est de 11,5 chez les
patients qui ont reçu au moins 10 Gray (Gy) au niveau de la queue du pancréas
comparés aux patients qui n'ont pas reçu de radiothérapie. Le risque relatif
augmente avec la dose reçue jusqu'à 20-29 Gy puis atteint un plateau. Pour les
doses faibles et modérées, chaque Gy reçu au niveau de la queue du pancréas
augmente de 65% (IC95% : 23%-170%) le risque de diabète ultérieur.
Dans le sous-groupe de 511 patients qui ont reçu
plus de 10 Gy au niveau de la queue du pancréas, l'incidence du diabète est de
16%.
L'incidence du diabète varie fortement en fonction
du type de cancer survenu dans l'enfance : l'incidence du diabète à 45 ans est
de 14,7 % chez les patients qui ont eu un néphroblastome et de 3,1% pour les
autres cancers.
En outre, de façon peu surprenante, l'âge au moment
de l'irradiation compte également. Les enfants de moins de 2 ans au moment de
la radiothérapie sont plus sensibles aux irradiations que les patients plus
âgés (RR à 1 Gy : 2,1 vs 1,4) chez les patients plus âgés (IC 95%, p=0,02).
Dans cette étude, comme dans l'étude américaine,
l'association entre le diabète et la radiothérapie reste significative après
ajustement pour l'indice de masse corporelle.
L'importance du suivi à long terme :
« Nos résultats soulignent la nécessité de tester la
tolérance au glucose chez tous les patients qui ont reçu de la radiothérapie
abdominale afin de détecter rapidement le diabète », concluent les auteurs.
Ils insistent également sur l'importance du suivi à
long terme des enfants rescapés d'un cancer car, dans cette étude, comme dans
l'étude américaine, presque tous les cas de diabète se sont développés après au
moins 20 ans de suivi.
Source : Medscape.com le 22 août 2012.
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