Ce sont de nouvelles avancées dans la connaissance
de la maladie d'Alzheimer, pathologie neurodégénérative pour laquelle il
n'existe toujours pas de traitement susceptible de stopper sa progression. Deux
études, publiées mercredi 11 juillet, pourraient être des guides précieux pour
tester de nouveaux médicaments, toutes deux renforçant l'idée de l'importance
d'une détection précoce de la maladie.
La première, publiée dans le New England Journal of
Medicine, a été menée par l'équipe de l'école de médecine de l'université de
Washington, à Saint-Louis, dans le Missouri. Elle démontre que les premiers
changements liés à la maladie d'Alzheimer commencent à se développer chez les
personnes génétiquement prédestinées vingt-cinq ans avant le début des
problèmes de mémoire et du déclin des capacités de réflexion associées.
Cette étude présente une chronologie de ces
évolutions. La plus précoce (vingt-cinq ans en amont) est la hausse des niveaux
de béta-amyloïdes dans le liquide céphalo-rachidien. Ces protéines, qui siègent
entre les cellules du cerveau, sont une des causes principales de la maladie
d'Alzheimer.
D'autres changements sont visibles quinze ans avant
: les protéines béta-amyloïdes deviennent visibles sur un scanner du cerveau,
les niveaux de protéine tau, qui entraînent une dégénérescence
neurofibrillaire, augmentent dans le liquide céphalo-rachidien, et enfin,
certaines zones du cerveau rétrécissent. Une réduction de l'utilisation du
glucose par le cerveau et des problèmes de mémoire légers peuvent être
détectés, eux, dix ans avant l'arrivée des symptômes complets.
UNE "HISTOIRE NATURELLE DE LA MALADIE"
"Cette étude cherche à comprendre l'histoire
naturelle de la maladie, explique Philippe Amouyel, directeur d'une unité de
recherche mixte à l'Inserm à Lille et directeur de la Fondation Plan Alzheimer.
Les altérations qu'elle suggère étaient connues, mais elle confirme nos
hypothèses et elle donne une idée du moment où la maladie commence à se
développer, ce qui est fondamental pour mettre en place des traitements
préventifs à un stade précoce."
Au total, 128 personnes venant du Royaume-Uni, des
Etats-Unis et d'Australie, toutes prédisposées à développer la maladie
d'Alzheimer à un âge précoce, ont participé. "En moyenne, les patients
atteints de cette forme de la maladie ont 45 ans", a rappelé Randall
Bateman, qui a mené cette étude. Les membres de ces familles ont en effet 50 %
de chance d'hériter de l'un des trois gènes qui causent un Alzheimer précoce,
la plupart des symptômes se développant au même âge que ceux de leur parent.
Si Randall Bateman a souligné que ces biomarqueurs
étaient très semblables à des changements déjà établis, il n'est pas encore
certain que cette chronologie soit la même pour les patients qui sont atteints
de la forme la plus commune et tardive de la maladie d'Alzheimer, qui se
développe généralement après l'âge de 65 ans et touche 98 % des malades :
"Ce que nous ne savons pas, c'est si le temps, l'ordre de grandeur et la
taille de ces changements est similaire ou non. Il nous faudra encore peut-être
de nombreuses années pour avoir la réponse."
"C'est une des limites de cette étude",
confirme Philippe Amouyel. Ces chercheurs ont gagné du temps en étudiant des
formes très rares, dites 'familiales'. Mais on ne peut pas généraliser ces
résultats."
Au contraire, pour le professeur Etienne-Emile
Baulieu, directeur d'unité de recherche à l'Inserm et professeur de biochimie à
l'université Paris-XI, "on retrouve les mêmes mécanismes chez tous les
malades. Cette étude, très astucieuse, nous conforte dans l'implication des
béta-amyloïdes comme cause de cette maladie."
UNE MUTATION GÉNÉTIQUE PROTECTRICE
La seconde étude, publiée dans la revue scientifique
britannique Nature, vient, elle aussi, confirmer cette implication : la
découverte d'une mutation génétique rare de la protéine précurseur de
l'amyloïde (APP), protégeant certaines personnes d'Alzheimer. Les scientifiques
de la société islandaise deCODE, menés par le chercheur Kari Stefansson, l'ont
repérée chez environ 1 % des 1 795 Islandais qui ont participé à cette
recherche.
"Cette étude confirme la plus ancienne cause
suspectée d'Alzheimer : l'APP, qui forme la bêta-amyloïde, et devient un
composé pathogène, dit Etienne-Emile Baulieu. Ce n'est pas révolutionnaire,
mais c'est très intéressant." La mutation du gène APP découverte par
l'équipe islandaise diminue de près de 40 % la production de protéine
bêta-amyloïde, caractéristique de la maladie. Un traitement anti-bêta-amyloïde
pourraient donc être efficace.
Les détenteurs de ce gène auraient aussi 47 % de
chance en plus d'atteindre 85 ans par rapport aux personnes qui en sont
dépourvues, cette mutation prémunissant également de la baisse générale des
performances du cerveau, courante avec la vieillesse.
Pour cette étude encore, Philippe Amouyel souligne
pourtant une limite : la population étudiée. Il indique que "l'Islande est
un pays où ses 200 000 habitants sont familialement reliés. C'est une société
génétique particulière." La maladie d'Alzheimer concernerait 860 000
personnes en France, 35 millions dans le monde. Les chercheurs travaillent
encore à résoudre l'équation complète qui permettrait de trouver des traitements
préventifs efficaces.
Source : Le Monde.
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