mercredi 21 décembre 2011

Plus d’1 cancer sur 2 est d’origine inconnue.


45% des cancers ont pour cause le tabac, l’alcool, l’inactivité physique, les UV ou un mauvais régime alimentaire. Les 55% restant, en revanche, n’ont pas d’origine connue.



55 cancers sur 100… De ce constat, quelles sont les conclusions que nous pouvons tirer ?
C’est la question qu’ont posé conjointement l’Anses (agence nationale de sécurité sanitaire), l’Inca (Institut national contre le cancer) et l’Aviesan (alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé), lors d’un colloque international intitulé « Cancers et expositions environnementales », le lundi 12 décembre dernier.
Quelle est donc la part des cancers causés par une exposition aux produits chimiques ?

19% des cancers imputables à la toxicité de la chimie
« 19% des cancers seraient dus à l’exposition à la pollution chimique et environnementale », selon le Dr David Christiani de l’Ecole de santé publique de Harvard (USA).
« On a constaté des risques accrus pour l’enfant de développer un cancer lorsqu’il vit près d’usines de pétrochimie ; sans compter les risques de leucémie plus fortes chez les jeunes adultes, ajoute le Dr Jacqueline Clavel, de l’Inserm. Les traitements hormonaux substitutifs à la ménopause augmentent les risques de cancer du sein, tout comme le vin, les boissons alcoolisées, les acides gras saturés et trans et le tabac, même si pour le tabac, les résultats ne sont pas encore suffisamment convaincants ».
« Pour les hommes n’ayant jamais fumé, ce sont 85% des causes de leurs cancers qui sont inconnues », selon Pierre Lebailly de l’Université de Caen. En effet, les cancers des poumons ne sont pas tous imputables au tabac, loin s’en faut. On se souvient de cette étude sur les femmes cuisinant au wok et victimes de cancers du poumon, sans avoir jamais touché une cigarette (Hecht & al., CEBP, 2010).

Côté pesticides, l’analyse de Jane Hoppin, sacrée scientifique de l’année 2010 et officiant à l’Institut national des sciences de la santé environnementale (Caroline du Nord, USA), n’a pas manqué d’interpeller.
« Les plus exposés aux pesticides sont d’abord ceux qui les fabriquent. Viennent ensuite les agriculteurs, leur famille, puis la population générale. (…) Lorsqu’on étudie l’impact des pesticides sur la santé humaine, on ne s’intéresse qu’au principe actif majoritaire, mais quid des autres ingrédients comme les solvants ou les dérivés du pétrole ? Eux aussi peuvent avoir des effets, indépendamment de l’élément actif principal. »

 « Les cancers professionnels sont sous-estimés »
« Les cancers professionnels représentent 6% de tous les cancers dans les pays développés, continue-t-il, mais je pense que ce chiffre est sous-estimé, explique le Dr Christiani. Regardez, la Chine compte 750 millions d’ouvriers, soit une immense population exposée, mais elle ne figure pas, pour l’instant, dans les statistiques mondiales… »
En France, ce sont pas moins de 1,6 million de personnes qui sont exposées à des risques professionnels chimiques.
Pourquoi les experts manquent-ils de preuves tangibles ?
« On manque toujours d’éléments de preuve tangibles sur les liens entre cancers et facteurs environnementaux », tempère Gerhard Heinemeyer, médecin à l’Université libre de Berlin.
Tous les spécialistes intervenant au colloque se sont heurtés à cet argument. Les preuves irréfutables sont très difficiles à apporter.
Tout d’abord, l’exposition aux polluants est forcément multiple. Ce qui complique grandement les programmes de recherche. En effet, il faut s’atteler sans cesse à trouver de nouveaux outils d’expérimentation pour inclure les niveaux d’exposition aux produits chimiques et/ou aux ondes électro-magnétiques.
Ensuite, les données collectées auprès des patients ne donnent pas les mêmes résultats d’un pays à l’autre.
Le Dr Heinemeyer a illustré cette impasse à travers le cas du cadmium, un produit chimique très toxique pour l’Homme: «  L’Agence européenne (EFSA) préconise une limite maximale à 2,5 microgrammes par kilo et par semaine. Tandis que le comité international d’experts en additifs alimentaires (JECFA), parle, lui, de 5,8 microgrammes par kilo et par semaine. Logique ! Des systèmes de gestion de données différents donnent des valeurs limites différentes. Il faut donc harmoniser la collecte de données. »

Prouver le lien avec les biomarqueurs
Selon le Pr Christopher Wild, du Circ (Centre international de recherche contre le cancer), un autre moyen de prouver le lien entre causes environnementales et cancers serait d’utiliser les biomarqueurs. Ce sont des protéines que l’on a dans le corps et qui sont utiles au dépistage des cancers parce qu’elles peuvent muter en fonction du type de maladie mais aussi de la cause de cette maladie. Les chercheurs ont déjà révélé l’effet du benzène ou de l’arsenic sur ces protéines, de sorte qu’aujourd’hui on peut aisément identifier un cancer engendré par ces deux toxiques.
Mais la science des biomarqueurs n’en est qu’à ses débuts et le chemin semble long avant que l’ensemble des polluants environnementaux ne s’asseyent sur le banc des accusés, au même titre que l’alcool ou le tabac. 
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Source: Ma vie toxique

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