Les bêtabloquants étaient la pierre
angulaire des traitements préventifs en cardiologie. Ils étaient devenus le
traitement standard après un infarctus pour prévenir la survenue de nouveaux
accidents cardiovasculaires. Par extension, les cardiologues en avaient fait le
traitement de référence dans la maladie coronaire, lui prêtant une efficacité
protectrice avant même la survenue de tout accident cardiaque. Une étude
internationale, l’essai REACH, publié dans la revue Américaine JAMA, remet
brutalement le dogme en question. Les bêtabloquants ne protégeraient pas les
millions de patients à qui ils sont prescrits de la survenue d’un infarctus,
d’un accident vasculaire cérébral ou d’un décès.
Historiquement, les bêtabloquants avaient montré
qu’ils pouvaient protéger un patient ayant fait un infarctus de la survenue de nouveaux
évènements cardiovasculaires. Mais ces études sont aujourd’hui anciennes et de
nouvelles techniques sont depuis apparues, comme l’angioplastie ou les pontages
pour reperfuser les artères coronaires. Pourtant, au fil du temps, sans preuve
scientifique réelle, les bêtabloquants se sont imposés comme des médicaments
essentiels, bien que souvent les patients les tolèrent difficilement. Les
auteurs citent une étude montrant qu’un an après un infarctus, seulement 45%
des patients continuent à prendre un bêtabloquant.
L’étude REACH (Reduction of Atherothrombosis for
Continued Healthcare) est un registre international qui a inclus 45 000
patients de 45 ans et plus, ayant une maladie artérielle en un ou plusieurs
endroits, cœur (maladie coronaire), cerveau (une maladie vasculaire cérébrale),
membres inférieurs (artériopathie oblitérante des membres inférieurs),
carotide, ou simplement des facteurs de risque de développer de telles
pathologies (tabagisme, hyperlipidémie, diabète, etc.). Ces patients, dont les
traitements médicaux étaient clairement notés, ont été suivis pendant près de
44 mois et tout évènement cardiovasculaire enregistré, permettant d’évaluer
nombre de données pertinentes. La présente publication avait pour but d’évaluer
la protection cardiovasculaire apportée par les bêtabloquants.
L’analyse des auteurs a inclus 21 860 patients :
6700 patients ayant fait un infarctus, 7000 patients coronariens qui n’avaient
pas fait d’infarctus, et 18 000 patients athéromateux à risque. Deux groupes
ont été constitué, l’un ayant un bêtabloquant, l’autre non afin d’analyser une
éventuelle protection apportée par les bêtabloquants. Comme évènements, étaient
retenus pour l’analyse, la survenue d’un infarctus non mortel, d’un accident
vasculaire cérébral non mortel ou la survenue d’un décès.
Malheureusement les résultats démontrent une totale
absence de protection liée aux bêtabloquants : les patients qui en prenaient ne
faisaient pas moins d’infarctus, ni moins d’accident vasculaire cérébral, et le
même nombre de décès était enregistré dans les deux groupes. Même les patients
qui avaient déjà fait un infarctus et chez lesquels des preuves antérieures
montraient un intérêt des bêtabloquants, n’étaient finalement pas mieux
protégés. Pire, dans le groupe des patients qui n’avaient que des facteurs de
risque, les bêtabloquants auraient même un effet délétère.
Evidemment, cette étude n’est pas un essai randomisé
en double aveugle et un registre peut toujours être source de biais. Ceci
étant, ces résultats corroborent plusieurs essais antérieurs plus petits qui
chez des patients coronariens ou simplement hypertendus, qui ne retrouvaient
pas non plus d’effet protecteur des bêtabloquants. Selon les auteurs, ces
résultats montrant le moindre intérêt thérapeutique des bêtabloquants chez les
patients coronariens stables, sont déjà prises en compte dans les
recommandations internationales qui ont dégradé récemment cette classe
thérapeutique. Pour les patients en post infarctus, les bêtabloquants
n’auraient plus qu’un intérêt sur une durée de temps limitée qu’il reste à
déterminer; un an? Trois ans? Pour les
auteurs, il serait dorénavant important de mener d’autres essais qui viseraient
à déterminer quels patients pourraient bénéficier d’un bêtabloquant et sur
quelle durée. En tous les cas, les bêtabloquants se seront probablement plus la
pierre angulaire des traitements préventifs en cardiologie.
Source: β-Blocker Use and Clinical Outcomes in Stable
Outpatients With and Without Coronary Artery Disease, JAMA. 2012.
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