Un anticorps nommé C05 prévient et soigne plusieurs
souches de grippe A en empêchant le virus de se lier aux cellules hôtes. Sa
particularité : il cible une région de l’enveloppe virale que l’on pensait bien
trop petite pour qu’un anticorps puisse s’y fixer efficacement. Cela ouvre la
voie à un vaccin et une thérapie universels de la grippe.
Et si le virus de la grippe venait de révéler son
talon d’Achille ? Alors que le Graal des virologistes est de trouver
l’anticorps fonctionnant contre toutes les souches de la maladie, l'un d'entre
eux, nommé C05, pourrait bien constituer un nouveau pas dans cette direction.
Qu’on ne s’emballe pas encore trop vite ! Cette
protéine montre une spécificité particulière uniquement pour des virus de la
grippe A (les plus dangereux), plus précisément pour les souches H1, H2, H3 et
H9. Il ne s’agit pas là de la solution contre la grippe H5N1 au taux de
mortalité si élevé, par exemple. Malgré tout, l’annonce des chercheurs du
Scripps Research Institute de La Jolla (Californie), publiée dans la revue
Nature, a de quoi susciter l’optimisme et laisse entrevoir de nouvelles
perspectives jusqu’alors insoupçonnées.
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Le virus de la grippe se fixe au niveau des
récepteurs des cellules hôtes avant d'y injecter son ARN pathogène. © Sanofi
Pasteur
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C05, un anticorps pas comme les autres
Reprenons l’histoire à son commencement. Les
scientifiques ont prélevé des échantillons de moelle osseuse chez des
volontaires qui, à eux tous, avaient contracté différentes souches grippales.
Pourquoi la moelle osseuse ? Parce qu’elle garde en mémoire tous les anticorps
synthétisés par un organisme durant son existence. Ils pensaient donc récupérer
de nombreux anticorps antigrippaux différents et espéraient en trouver un
capable de contrer plusieurs variants à la fois.
En épluchant le catalogue de protéines immunitaires
récupérées, ils en ont remarqué une qui sortait du lot : C05. Une analyse en
microscopie électronique et en cristallographie aux rayons X leur a montré
qu’elle s’en prenait à une cible particulière de l’enveloppe virale : le RBS,
ou receptor binding site, la région du virus qui lui permet de se lier à la
cellule qu’il veut infester.
Ce RBS, bien connu, ne correspond qu’à une petite
partie de l’hémagglutinine, cette glycoprotéine variable retrouvée à la surface
de l’enveloppe virale. Si on regarde sa structure tridimensionnelle, il forme
une seule et unique boucle moléculaire. Or, un anticorps se compose lui de six
doigts ou boucles dont la structure doit être compatible avec un antigène pour
qu’il y ait une adhésion maximale et efficacité.
Un nouveau pas vers un traitement
universel de la grippe
Si la structure moléculaire de ce RBS est stable,
les protéines autour sont très variables d’une souche à l’autre et fortement
soumises aux mutations. Ainsi, un anticorps qui a un segment complémentaire
avec RBS ne parvient pas à trouver d’autres points d’accroche sur le virus, finit
par se détacher et ne peut empêcher le pathogène d’infecter les cellules. On
pensait donc que cette région ne pouvait être ciblée par ce type de protéines
de l’immunité car trop restreinte.
Pourtant, les analyses montrent que C05 en est
capable. Il se lie d’autant mieux si chacun de ses bras est au contact d’une
autre molécule d'hémagglutinine. Du jamais vu jusque-là et qui donne beaucoup
d’espoir aux chercheurs.
L’anticorps a été placé dans une boîte de Pétri
comprenant des cellules et des virus de la grippe, et a prévenu l’infection.
Même chose cette fois, mais in vivo, chez des souris. En traitement préventif,
les rongeurs n’ont pas déclaré la maladie. Mais il soigne également la grippe.
Après inoculation de doses mortelles du virus chez d’autres souris, de petites
quantités de C05 ont été injectées. Trois jours après, tous les animaux étaient
en vie quand en temps normal ils auraient trépassé.
Voilà une découverte importante. L’objectif
maintenant est de développer des thérapies à base d’anticorps utilisées dans
des cas de grippes A sévères, en espérant que les résultats soient aussi
remarquables chez l’Homme. D’autre part, la molécule se positionne comme un
vaccin possible contre plusieurs souches grippales à la fois, laissant peu à
peu entrevoir la possibilité, un jour prochain peut-être, de développer un seul
traitement préventif capable de nous immuniser contre tous les variants de la
maladie.
Source: Futura-sciences
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