Trois équipes montrent que les cellules d’une tumeur maligne ne contribuent pas toutes de la même façon à sa croissance. Une petite partie d’entre elles l’alimentent en se comportant comme des cellules souches.
Si la survie des patients atteints de cancer
s’améliore grâce à des diagnostics plus précoces et des traitements plus
efficaces, environ un tiers décèdent encore dans les cinq ans suivant le
diagnostic, souvent à cause d’une récidive. Pourquoi une tumeur que l’on
croyait éliminée prolifère-t-elle à nouveau ? Depuis quelques années, les
biologistes s’interrogent sur l’existence, dans les tumeurs, de « cellules
souches cancéreuses » : ces cellules, si elles ne sont pas toutes éliminées,
auraient la capacité de se différencier et de proliférer après les traitements,
entraînant une rechute. Toutefois, jusqu’à présent, la preuve de leur existence
était indirecte : transplantée chez une souris immunodéficiente, une
sous-population de cellules tumorales reforme une tumeur à l’identique. Trois
équipes viennent de clore le débat en détectant, chez la souris, des cellules
se comportant comme des cellules souches dans trois types différents de tumeurs
natives.
Arnout Schepers, Hugo Snippert et leurs collègues de
l’Institut Hubrecht, à Utrecht aux Pays-Bas, ont observé ces cellules dans un
adénome intestinal, une tumeur bénigne précurseur du cancer intestinal. Par
ailleurs, Gregory Driessens, de l’Université libre de Bruxelles, en Belgique,
et ses collègues, ont montré leur existence dans une tumeur bénigne de la peau
(un papillome) et ont étudié leur devenir dans une tumeur maligne de la peau
(un carcinome). Enfin, Jian Chen, du Centre médical de l’Université du
Sud-Ouest du Texas, à Dallas aux États-Unis, et ses collègues, ont observé,
dans une tumeur maligne du cerveau (un glioblastome), qu’une petite population
de cellules propage la tumeur après chimiothérapie.
Les deux premières équipes ont montré que les
cellules tumorales ne sont pas équivalentes : certaines prolifèrent peu et
constituent l'essentiel de la tumeur, tandis que d’autres persistent longtemps
et se comportent comme des cellules souches. En marquant aléatoirement les
cellules tumorales, les biologistes ont observé que si la plupart des cellules
des tumeurs bénignes étudiées proliféraient peu et disparaissaient au bout de
quelques semaines, 20 pour cent présentaient le comportement de cellules
souches : capables de persister plusieurs mois, elles se divisaient en de
nombreuses cellules, lesquelles occupaient alors une part importante de la
tumeur. En outre, ces cellules se différenciaient et engendraient l'ensemble
des types de cellules tumorales.
Dans une tumeur maligne de la peau, en revanche, la
proportion de cellules de type cellules souches était beaucoup plus importante,
comme si la hiérarchie entre cellules de la tumeur bénigne laissait place à
l’anarchie. Les travaux de la troisième équipe vont aussi dans ce sens. En
marquant les cellules souches neurales d’une souris atteinte d’un glioblastome,
J. Chen et ses collègues ont montré qu’une sous-population repeuple la tumeur
après un traitement anticancéreux. En revanche, l’utilisation conjointe d’un
anticancéreux et d’une molécule bloquant la prolifération des cellules souches
neurales entrave la croissance tumorale. Ces résultats suggèrent donc que si
les tumeurs ont bien des cellules souches cancéreuses, ces denières pourraient
effectivement être responsables du processus de récidive.
Tient-on une piste pour éradiquer les tumeurs ? Pour
Benjamin Beck, coauteur de la deuxième étude, ces travaux sur trois types de
tumeurs et par deux méthodes sont très encourageants, mais la route sera encore
longue : « Retrouve-t-on ce comportement dans d’autres types de cancers ?
Quelles sont les caractéristiques des cellules se comportant comme des cellules
souches ? Comment évoluent-elles au cours de la pathologie ? Comment une tumeur
devient-elle maligne ? Suffit-il d’éliminer ces cellules pour supprimer le
risque de récidive ? Nous devrons répondre à toutes ces questions avant
d’envisager une stratégie thérapeutique. »
Source: Pour la science.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire