Les dernières études sur lien entre la survenue
d'accidents cardiovasculaires ischémiques et le stress au travail ont été
confrontées à de nombreux biais (méthodologie employée, définition du
"stress" au travail et nombre de cas étudiés) modifiant la valeur du
risque obtenu. Pour en savoir plus, des chercheurs français de l'Inserm et de
l'université Versailles Saint Quentin participent à un grand consortium
européen appelé IPD-WORK Consortium, regroupant treize cohortes en population
en Europe. Aujourd'hui, les chercheurs confirment, par une analyse à grande
échelle sur près de 200 000 individus en Europe, l'association entre le stress
au travail et la survenue d'accidents cardiovasculaires. Les personnes exposées
au stress auraient un risque de 23 % plus élevé que celles qui n’y sont pas
exposées de faire un infarctus. Les résultats publiés dans The Lancet le 14
septembre 2012.
Ces dernières années, le rôle d'une série de
facteurs psychologiques (la personnalité, la cognition, le stress) a été étudié
dans la survenue de maladies cardiovasculaires. Le stress psychologique a été
le facteur plus examiné, en particulier le stress au travail, combinaison d'une
forte demande de travail avec peu de marges de manœuvre. Des études précédentes
ont mis en exergue une association entre le stress au travail et un risque de
survenue d'évènements coronariens multiplié par deux. D'autres travaux
suggèrent un risque bien plus modeste. Pour améliorer les connaissances sur le
sujet, le consortium européen IPD-WORK (Individual-Participant-Data
Meta-analysis in Working Populations) a été initié en 2008.
13 cohortes à l'étude, près de 200 000 participants
Le consortium regroupe treize cohortes européennes,
dont la cohorte française GAZEL constituée de près de 20 000 agents d'EDF-GDF
suivie depuis 1989. Des chercheurs de l'Inserm, Marcel Goldberg, Archana Singh
Manoux et Marie Zins de l'unité Inserm 1018 " Centre de recherche en
épidémiologie et sante des populations" et de l'université Versailles
Saint Quentin, ont contribué à la plus large analyse jamais conduite sur
l'association entre le stress au travail et la survenue d'événements
coronariens. La particularité de cette grande analyse est qu'elle regroupe les
données individuelles de 197 473 participants inclus dans les cohortes
européennes, permettant aux chercheurs de mieux cerner l'association étudiée
sur un grand nombre de cas.
Les cohortes étudiées, initiées de 1985 à 2006, sont
celles de 7 pays: Belgique, Danemark, Finlande, France, Pays-Bas, Royaume-Uni
et Suisse.
La moyenne d'âge des participants est de 42,3 ans et
la population étudiée présente autant de femmes que d'hommes. Le stress au
travail a été évalué par des questionnaires portant sur les aspects
psychosociaux liés au travail. Il s'agit par exemple d'analyser la demande,
l'excès de travail des individus, les demandes conflictuelles auxquelles ils
sont confrontés, le temps restreint pour accomplir les tâches qui leur sont
confiées.
La proportion d'individus exposés au stress au
travail variait entre 12,5 % et 22,3 % selon les précédentes études. Sur cette
grande population, elle représente 15,3 %.
En parallèle, sur les 200 000 individus, les
chercheurs ont recensé 2358 événements coronariens, sur une période de 7 ans de
suivi en moyenne.
Prévenir le stress au travail, un facteur non
négligeable
En harmonisant les données, "les résultats
obtenus à partir des 13 cohortes européennes, révèlent que les individus
exposés au stress au travail ont un risque de 23 % plus élevé que ceux qui n’y
sont pas exposés de faire un infarctus" explique Marcel Goldberg,
chercheur à l'Inserm et professeur à l’Université de Versailles Saint Quentin.
Quand on prend en compte des modes de vie, l'âge, le sexe, le statut
socioéconomique et la répartition géographique des participants, les résultats
sont pratiquement inchangés.
Si l'on étudie la population globale (stressée et
non stressée), les chercheurs considèrent que le stress au travail est associé
à une augmentation du risque relativement modeste de faire un infarctus, mais
qui n'est pas négligeable : "Dans notre étude, 3,4% des infarctus recensés
parmi les 200 000 individus sont attribuables au stress au travail. Sur les 100
à 120 000 infarctus survenant en France chaque année, cela correspondrait tout
de même à environ 3 400 à 4 000 accidents imputables à ce facteur de risque",
souligne Marcel Goldberg.
L'équipe de recherche européenne suggère de
renforcer la prévention du stress au travail pour réduire ce risque existant.
De telles mesures préventives pourraient avoir également un impact positif sur
d'autres facteurs de risque, tels que le tabac et l'alcool dont la consommation
est partiellement liée au stress selon des études récentes réalisées par ce
même consortium.
Source: Inserm
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