Pages

vendredi 24 août 2012

Le diabète, une nouvelle complication de la radiothérapie


Les personnes qui ont reçu une radiothérapie abdominale ou du corps entier pendant l'enfance pour lutter contre un cancer ont plus de risque de développer un diabète plus tard dans leur vie en raison des lésions provoquées par les rayons au niveau du pancréas. C'est ce qu'indique une nouvelle étude publiée dans l'édition en ligne du Lancet Oncology qui met en évidence, pour la première fois, un effet dose-réponse en fonction du niveau d'irradiation délivré.

Le pancréas, un organe à risque :

« Le pancréas doit être considéré comme un organe critique lors de la planification de radiothérapie, en particulier chez les enfants. Jusqu'à présent, le pancréas est l'un des rares organes à ne pas être considéré à risque de complication des tissus normaux dans les directives nationales pour la radiothérapie du cancer. Nos résultats indiquent que le pancréas est un organe à risque pendant la radiothérapie. Ses contours doivent être bien délimités par le technicien de radiothérapie lors de la planification du traitement, afin de limiter au maximum son irradiation », commente l'auteur principal de l'étude, le Dr Florent de Vathaire (Centre de recherche en Epidémiologie et Santé des Populations, INSERM, Institut Gustave Roussy, France) dans un communiqué Inserm.

Les chercheurs suggèrent que le suivi à long terme des enfants qui ont guéri d'un cancer et qui ont reçu une radiothérapie intra abdominale ou corps entier devrait inclure un dépistage du diabète.

« Les implications cliniques de cette étude sont importantes parce que les rayons restent une partie intégrale de la thérapie pour beaucoup d'enfants atteints de tumeurs de Wilms (néphroblastomes) ou de neuroblastomes… [et] le diabète est un facteur de risque majeur de mortalité toute cause et de mortalité cardiovasculaire », soulignent les Drs Kevin Oeffinger et Charles Sklar (Memorial-Sloan-Kettering Cancer Center, New York) dans un éditorial accompagnant l'article.

Les Drs Oeffinger et Sklar sont tous les deux impliqués dans un programme de suivi à long terme des adultes de tout âge qui ont eu un cancer à l'adolescence ou dans l'enfance. En outre, ils sont les co-auteurs d'un rapport antérieur sur les radiations et le diabète (Arch Intern Med 2009;169;1381-1388). Leur étude « Childhood Cancer Survivor Study » a comparé 8599 jeunes adultes vivants aux Etats-Unis qui avaient survécu à un cancer pendant l'enfance. Elle a montré que les patients qui avaient reçu des radiations pour un neuroblastome avaient 7 fois plus de risque de développer un diabète que les enfants du même âge qui n'en avaient pas reçu. Les patients qui avaient reçu des radiations abdominales pour le traitement de tumeurs de Wilms ou un lymphome de Hodgkin avaient deux fois plus de risque de développer un diabète que les enfants du même âge qui n'en avaient pas reçu.

La nouvelle étude du Dr de Vathaire et coll a est une analyse d'une cohorte franco-anglaise de 2520 personnes traitées pour un cancer dans l'enfance avant 1986, guéris pendant au moins 20 ans, et ayant renvoyé un questionnaire détaillé sur leur condition de santé.

Ces nouveaux résultats «  élargissent substantiellement notre compréhension des effets tardifs du traitement du cancer en montrant qu'il existe une relation dose-réponse entre l'irradiation du pancréas et le risque de diabète », expliquent les éditorialistes.

Une relation dose-réponse :

Le suivi moyen de l'étude est de 27 ans. A partir des réponses obtenues chez 2520 survivants, les chercheurs ont identifié et validé 65 cas de diabète traités, pour la plupart, par des médicaments (comprimés oraux : 54%, insuline : 18% ou les deux : 17%).
Le diabète est rarement diagnostiqué avant l'âge de 20 ans, mais, par la suite, l'incidence augmente fortement. A l'âge de 45 ans, l'incidence du diabète est plus élevée chez les sujets qui ont été traités par radiothérapie : 6,6% contre 2,3% (p=0,0003).

Constat important : le risque de diabète augmente fortement avec la dose d'irradiation administrée au niveau de la queue du pancréas où les îlots de Langerhans sont principalement situés. L'irradiation des autres parties du pancréas ne semble pas jouer de rôle significatif.

Le risque relatif de diabète est de 11,5 chez les patients qui ont reçu au moins 10 Gray (Gy) au niveau de la queue du pancréas comparés aux patients qui n'ont pas reçu de radiothérapie. Le risque relatif augmente avec la dose reçue jusqu'à 20-29 Gy puis atteint un plateau. Pour les doses faibles et modérées, chaque Gy reçu au niveau de la queue du pancréas augmente de 65% (IC95% : 23%-170%) le risque de diabète ultérieur.

Dans le sous-groupe de 511 patients qui ont reçu plus de 10 Gy au niveau de la queue du pancréas, l'incidence du diabète est de 16%.

L'incidence du diabète varie fortement en fonction du type de cancer survenu dans l'enfance : l'incidence du diabète à 45 ans est de 14,7 % chez les patients qui ont eu un néphroblastome et de 3,1% pour les autres cancers.

En outre, de façon peu surprenante, l'âge au moment de l'irradiation compte également. Les enfants de moins de 2 ans au moment de la radiothérapie sont plus sensibles aux irradiations que les patients plus âgés (RR à 1 Gy : 2,1 vs 1,4) chez les patients plus âgés (IC 95%, p=0,02).

Dans cette étude, comme dans l'étude américaine, l'association entre le diabète et la radiothérapie reste significative après ajustement pour l'indice de masse corporelle.

L'importance du suivi à long terme :
« Nos résultats soulignent la nécessité de tester la tolérance au glucose chez tous les patients qui ont reçu de la radiothérapie abdominale afin de détecter rapidement le diabète », concluent les auteurs.

Ils insistent également sur l'importance du suivi à long terme des enfants rescapés d'un cancer car, dans cette étude, comme dans l'étude américaine, presque tous les cas de diabète se sont développés après au moins 20 ans de suivi.

Source : Medscape.com le 22 août 2012.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire