L'antidiabétique metformine n'a pas fini de
surprendre. Alors que les études lui attribuant un effet anti-cancéreux se
multiplient, une étude publiée en ligne dans le journal Cell Stem Cell montre
que la molécule aurait aussi la capacité de transformer les cellules souches
adultes du cerveau en neurones matures. En outre, administrée quotidiennement
pendant quelques semaines, elle améliorerait les fonctions d'apprentissage et
de mémoire chez la souris.
« Ce que nous montrent ces résultats, c'est que nous
avons un médicament très utilisé et sûr, qui recrute des cellules souches
neuronales endogènes, au moins chez la souris, pour créer des neurones. Ceci
nous donne l'opportunité de tester l'hypothèse que si nous pouvions faire la
même chose chez l'homme, nous pourrions activer la réparation de lésions
cérébrales au moins dans certaines situations », a commenté Freda Miller
(Hôpital des enfants malades, Toronto, Canada), l'un des auteurs de l'étude,
sur le site du journal.
Des expériences in vitro et chez la souris
Dans un premier temps, les chercheurs de l'hôpital
des enfants malades de Toronto ont ajouté de la metformine à des cellules
souches issues du cerveau de souris puis, ils ont répété l'expérience à des
cellules souches issues de cerveaux humains. Ils ont ensuite testé les
capacités d'apprentissage et de mémoire spatiale de souris ayant reçu
l'antidiabétique par rapport à des souris contrôles.
Résultats: chez la souris et chez l'humain,
l'administration de metformine aux cellules souches du cerveau permet leur
différenciation en nouveaux neurones.
En outre, les souris qui ont reçu des doses
quotidiennes de metformine pendant deux à trois semaines ont vu leur masse
neuronale augmenter dans la région de l'hippocampe. De plus, leurs capacités
d'apprentissage et de mémoire spatiale étaient supérieures à celles des
rongeurs qui n'avaient pas reçu le médicament.
Les chercheurs ont soumis les souris au test du
labyrinthe d'eau de Morris au cours duquel le rongeur est disposé à l'intérieur
d'une piscine remplie d'eau où se trouve une plate-forme invisible, située sous
la surface. Ils ont pu constater que les souris qui avaient reçu la metformine
avaient une meilleure aptitude à apprendre où se trouvait la plateforme et à
s'en souvenir.
Lorsque la plateforme était déplacée, les animaux
qui avaient reçus la metformine avaient une meilleure capacité d'adaptation et
d'apprentissage que les souris contrôles.
Deux événements ont conduit les chercheurs à tester
l'hypothèse d'un effet de la metformine sur la différenciation des cellules
souches cérébrales adultes en neurones. Le premier est qu'il y a environ un an
et demi, la même équipe a découvert une voie de signalisation connue sous le
nom de PKC-CBP qui induit la différenciation des cellules souches neurales embryonnaires
en neurones. Le deuxième est qu'au même moment, des collègues américains de
l'université Johns Hopkins ont montré que cette voie de signalisation était
activée par la metformine dans les cellules du foie.
L'équipe de Miller et coll. a donc décidé d'étudier
si la metformine pouvait activer la même voie de signalisation au sein des
cellules souches neurales.
Vers une piste thérapeutique ?
Grâce à ses propriétés de neurogénèse, la metformine
pourrait-elle soigner les lésions cérébrales acquises et des maladies
dégénératives comme la maladie d'Alzheimer ?
Il est encore trop tôt pour le dire. Cependant, les
auteurs précisent qu'il est maintenant bien établi que les nouveaux neurones
adultes jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement de l'hippocampe,
lui-même fortement impliqué dans des pathologies comme l'AVC ischémique et la
maladie d'Alzheimer. En outre, il semble de plus en plus clair que des cellules
souches adultes du cerveau sont recrutées au niveau des lésions cérébrales pour
se transformer en neurones et en oligodendrocytes. « Ceci laissant espérer que
si cette réponse pouvait être amplifiée, elle permettrait de réparer les
lésions », expliquent-ils.
Il existe toutefois un bémol : les cellules souches
adultes vieillissent et leur nombre diminue avec l'âge, il n'est donc pas
évident qu'elles soient en nombre suffisant pour avoir un effet thérapeutique
dans le cas des maladies dégénératives de la personne âgée.
En revanche, l'un des atouts de la molécule est
qu'elle est testée et prescrite depuis de nombreuses années y compris chez
l'enfant. Son profil de sécurité et ses posologies sont donc bien connues.
Pour la suite, les chercheurs canadiens ont dans
l'idée de collaborer à une étude pilote pour tester la metformine chez des
jeunes enfants souffrant de lésions cérébrales acquises après traitement d'une
tumeur cérébrale ou traumatisme crânien.
L'IRM fonctionnelle permettrait de déterminer si la
metformine peut augmenter la masse cellulaire des neurones des enfants et les
tests de la fonction cognitive et du comportement indiqueraient si cet
accroissement neuronal se traduit par une amélioration clinique.
Reste aussi à étudier si la metformine stimule le
cerveau des patients diabétiques qui y ont recours…
Source :
Wang J., Gallagher D. et coll. Metformin
Activates an Atypical PKC-CBP Pathway to Promote Neurogenesis and Enhance
Spatial Memory Formation. Cell Stem Cell, Volume 11, Issue 1,
Pages 23-35, Publication Date 6 July 2012
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